La présentation aura lieu en salle 106, Bâtment 9, sur le Campus de l'Institut Agro, 2 place Viala, 34060 Montpellier.
Résumé :
Dans les quartiers de Khartoum desservis par la compagnie étatique d’adduction d’eau, les habitants payent un tarif fixe mensuel indépendamment de la quantité d’eau consommée. Cette forme de tarification, relevant d’un type de gestion propre à un État providence, remonte à la mise en place des premiers réseaux dans la capitale en 1907 et n’a pas été modifiée malgré les reformes néolibérales des services publics dans la ville de Khartoum dans les années 1990. Néanmoins, les infrastructures et les modèles de standardisation de l’accès à l’eau ont subi des changements importants tout le long du vingtième siècle, en lien ou pas, avec différents projets politiques. Ainsi, la collecte des payements porte à porte par des employés municipaux, pratiquée depuis la mise en place des premiers réseaux, a été déléguée à des compagnies privées en 2001 et remplacée en 2014 par un payement automatisé, pouvant se faire directement par transfert bancaire et lié au payement de l’électricité avec des compteurs domestiques électroniques. Ces changements laissent sans emploi une quantité importante de collecteurs de redevances et des plombiers, produisent des « ruines » (compteurs d’eau vétustes dans les cours des maisons) et génèrent des « restes » (imprimées, factures, listes et paperasse liée à la collecte porte à porte des payements) qui appartiennent à une ère marquée par un accès non contrôlé à l’eau.
Cette communication entend aborder deux questions. En partant des transformations des dispositifs techniques domestiques et des processus bureaucratiques de calcul et de payement de l’eau potable à Khartoum, je m’intéresserai aux chômages, aux « ruines » et aux « restes » de la collecte des redevances de l’eau domestique pour explorer les transformations des rapports quotidiens des gens ordinaires avec l’État et ses institutions. Ensuite, en suivant les discours liés à ces différentes transformations de la part des acteurs institutionnels et des usagers, il s’agira de comprendre comment, dans toutes ces transformations, s’articulent des aspects relevant des archétypes de l’État providence et de l’État (néo)libéral qui au Soudan ne peuvent pas être attribués exclusivement aux différents gouvernements en place qu’ils soient coloniaux, nationalistes, socialistes, militaires ou islamiques.
Au plaisir de vous y retrouver nombreux !