Travail de thèse réalisé par David NORTES MARTINEZ au sein du CIRAD et Irstea, dans le cadre du Projet Retina, sous la direction de Stefano Farolfi (CIRAD) et le co-encadrement de Frédéric Grelot (Irstea).
Résumé: Les conséquences néfastes des inondations sur la société sont le résultat probable de facteurs socio-économiques. Les nouvelles pratiques en matière de prévention des dommages causés par les inondations se sont éloignées de la mise en œuvre de mesures structurelles pour inclure également des mesures non structurelles. Ces derniers intègrent, entre autres, les services des écosystèmes, exploitant ainsi le potentiel des écosystèmes pour prévenir, réguler et réduire les risques liés aux inondations. Ce changement, même s'il poursuit des niveaux plus élevés de prévention des risque et des dommages, ainsi qu'une volonté de durabilité économique, renforce la protection des zones urbaines et industrielles au détriment des zones rurales et agricoles (plus exposées). Mais les secteurs agricoles ont en réalité des structures singulières qui les rendent particulièrement vulnérables aux fluctuations des revenus et des cash flows. L'agriculture est aussi de plus en plus considérée comme un système socio-écologique complexe (SES), constitué de l'ensemble des activités agricoles, du territoire, de l'environnement et des relations établies entre ces trois éléments. En tant que tels, il existe des facteurs qui, à plusieurs niveaux, jouent un rôle fondamental dans la détermination de la vulnérabilité du système agricole.
Dans la mesure où la discrimination entre les types d'exploitations est essentielle pour fournir des évaluations des impacts et des vulnérabilités fiables, cette thèse se concentre sur la production de vin et propose une étude micro-économique du Système Coopératif de Vinification (SCV). Ce système présente des caractéristiques qui le caractérisent comme une SES. Nous cherchons donc à étudier dans quelle mesure l'intégration de plusieurs échelles d'analyse contribuent à la détection, à la compréhension et à la caractérisation des facteurs de vulnérabilité d'un SCV aux inondations. Nous considérons la vulnérabilité comme une propriété intrinsèque de tout élément/système qui dépend de la sensibilité à subir des dommages et de la capacité à faire face aux conséquences de l'aléa. En conséquence, nous pouvons évaluer la vulnérabilité d'un système et de ses facteurs déterminants grâce à l'estimation des dommages causés par les inondations.
Nous proposons et construisons un nouveau modèle d'évaluation des dommages aux inondations pour le SCV (modèle COOPER), basé sur des données obtenues de deux cas d'étude dans le Sud de la France: les départements de l'Aude et du Var. Pour développer le modèle COOPER, nous utilisons une approche multi-agent qui nous permet de faire une description du système "bottom-up", en identifiant les entités clés, leurs interactions et l'environnement dans lequel elles se déroulent.
L'utilisation du modèle COOPER comme laboratoire d'évaluation ex-ante des dommages causés par de multiples inondations met en évidence l'importance d'une identification correcte des interactions entre les éléments du système. Si les interactions ne sont pas bien identifiées, les dommages sur le système (et par autant la vulnérabilité) peuvent soit être surestimés, soit sous-estimés. Aussi, la possibilité de décrire en détail les agents et les règles du système productif, ainsi que la présence d'interactions explicites, nous permettent d'identifier et d'estimer le poids que différents facteurs significatifs ont dans la susceptibilité du système à subir un préjudice ou la capacité à faire face aux conséquences d'un risque d'inondation.


Dans les zones semi-arides, l'agriculture est basée sur des ressources "eau et sol" limitées et fragiles souvent surexploitées. L'évaluation environnementale dans ces zones est difficile due au manque de données. Notre zone d'étude est située à l'amont du bassin versant de Merguellil, situé en Tunisie centrale, un pays méditerranéen, caractérisé par un climat semi-aride avec une forte variabilité des précipitations et des taux d'évaporation élevés (Lacombe, 2008) et elle est considérée comme une importante zone de recharge des aquifères. Dans la région méditerranéenne, la dégradation des sols et les ressources en eau constituent un enjeu pour l'homme et l'environnement. L'agriculture en Méditerranée se caractérise par des exploitations de petite taille - un grand nombre de fermes ont moins de 10 hectares - et économiquement moins efficaces. L'amont du Merguellil réunit des enjeux environnementaux majeurs tels que des ressources variables et limitées, la surexploitation des ressources en eau, le faible contrôle de l'accès à l'eau et une dégradation accélérée des sols. Ces problèmes sont également rencontrés dans tout le bassin méditerranéen, le bassin Merguellil peut alors être considéré comme un cas exemplaire (Leduc et al., 2007). Cette zone présente également une faible disponibilité de données. A partir de 1990, ce bassin a fait l'objet de plusieurs travaux de conservation des eaux et des sols pour le protéger contre l'érosion et protéger la partie aval du bassin versant de Merguellil (la plaine du Kairouan). Le développement d’une agriculture irriguée de plus en plus intensive et l'expansion rapide des aménagements de conservation ont posé la question de leurs impacts environnementaux et particulièrement sur la qualité des sols.
La Tunisie cherche à réorienter ses politiques d’aménagement et de conservation des eaux et des sols (ACES) afin qu’elles gagnent en efficacité, en s’appuyant sur des démarches participatives innovantes. Cette réorientation passe par le renforcement du dialogue entre les principaux acteurs des espaces ruraux concernés, agriculteurs et administration. Cependant, cette orientation s’inscrit dans des contextes ruraux souvent peu documentés où la dimension environnementale nécessite d’être objectivée. En plus, l'intensification agricole d’une agriculture irriguée en Tunisie centrale, engendre des impacts environnementaux locaux et régionaux, liés à une consommation accrue en intrants et ressources, dont l’eau et le sol. En faveur d'une agriculture plus durable et pour éclairer les politiques publiques de développement agricole, il est nécessaire d’évaluer les impacts des pratiques agricoles et d’aménagement, et ceci à l’échelle d’un territoire. La question est ainsi de savoir comment mettre en œuvre une démarche d'évaluation environnementale dans un contexte 1) de rareté de données fiables y compris statistiques, et de complexité des pratiques agricoles, 2) de proéminence des questions socioéconomiques sur les préoccupations environnementales 3) de méconnaissance de la perception des acteurs locaux sur ces questions et donc de difficulté à identifier des indicateurs pertinents et mobilisables.




