Le 20 décembre 2024 à 9h30, Thanawat Brémard soutiendra sa thèse de doctorat intitulée "Transformations Socio-Environnementales et Gouvernance de l'Eau : le Cas de Bangkok".

La soutenance aura lieu à la Fondation Maison des Sciences de l’Homme - Salle B1-01 (Bâtiment B, 1er étage) - 54 boulevard Raspail - PARIS 6ème

Devant le jury composé de :

Catherine Baron, Professeur, Université de Toulouse, Rapporteur & Examinatrice
Stéphane Ghiotti, Directeur de recherche, CNRS, UMR ART-Dev Rapporteur & Examinateur
Manuelle Franck, Professeure, INALCO, Paris Examinatrice
Marie-Hélène Zérah, Directrice de recherche, IRD, CESSMA, Paris Examinatrice

Résumé : Les deltas constituent des environnements combinant atouts et vulnérabilités. Milieux propices à la navigation, aux échanges maritimes et au commerce, fertiles pour l'agriculture, et riches en eau et biodiversité, leurs caractéristiques environnementales posent aussi des contraintes spécifiques. Au fur et à mesure que Bangkok s'est urbanisée et co-transformée avec son environnement deltaïque, la mégapole a dû gérer son exposition aux crues et aux marées, à l'érosion du littoral, à l'intrusion d'eau salée, à la pollution des eaux ainsi qu'à l'affaissement du sol et au problème d'alimentation en eau potable.

Afin d'identifier les contraintes physiques et institutionnelles à une urbanisation durable, la thèse se donne comme objectif la compréhension des transformations conjointes ─ à la fois environnementales et sociopolitiques ─ induites par les enjeux de l'eau, à travers une analyse de la gouvernance ‘en actes’, manifestée par des processus de décision dans un contexte de pluralité d'acteurs, institutions, ramifications écologiques, échelles spatiales et administratives, normes, récits discursifs, représentations et imaginaires. Cette gouvernance multi-niveaux (on considère les interactions ‘verticales’ entre les acteurs globaux, l'État, la BMA (Bangkok Metropolitan Administration) et les collectivités locales) intersecte et se fond avec une gouvernance ‘horizontale’, qui associe des acteurs privés (industries, bureaux d'études, lobbies), la société civile (ONGs, collectifs), et le secteur académique.

L'hypothèse centrale de cette thèse est que l'explicitation de la gouvernance, au prisme des processus décisionnels autour de projets et politiques publiques liés à l’eau, permet de rendre compte de la dimension anthropique des transformations environnementales et socio-politiques au service du maintien du développement et de la prospérité de la capitale face aux aléas du delta et aux impératifs économiques imposés par la compétition entre les mégapoles globales. Ces transformations sont explicitées à travers trois études de cas illustrant la formulation de problèmes publiques et leurs controverses : 1) la mise en valeur des berges du fleuve Chao Phraya à travers un projet de promenade ; 2) la gestion des eaux souterraines en lien avec le phénomène de subsidence ; 3) la protection de la capitale des inondations par des projets de canaux, extérieurs à la ville, permettant de dériver les débits de crue.

L'eau par sa fluidité relie l'atmosphère, le sous-sol et les surfaces urbanisées aux habitants humains et non-humains du delta, et constitue un témoin matériel qui nous permet de saisir empiriquement la complexité des interactions hydro-sociales. La transformation environnementale de Bangkok n'est pas seulement la conséquence d'une urbanisation présentée comme incontrôlée ou inéluctable, elle est aussi le résultat de faisceaux d'intérêts politiques et financiers qui remodèlent constamment le flux et la distribution spatiale des bénéfices et des coûts associés à la transformation de l'environnement aquatique et du cycle hydrologique. L'analyse met en relief la faible autonomie décisionnelle de la BMA face à un État centralisé qui garde l'essentiel du pouvoir d’influence sur les politiques publiques, révèle l'importance centrale du monde universitaire dans les débats et prise de décision, fait ressortir le rôle du médium visuel dans l’enrôlement d’acteurs (processus d’imaginierie), et souligne la nature multi-scalaire de la composition des coalitions d'acteurs et de leurs reconfigurations.

Mots-clés : Gouvernance de l’eau urbaine, coalition de cause, analyse de discours, mégapole deltaïque, inondations, subsidence