De tout temps, le Sahara a subi de profondes transformations notamment dans le secteur agricole. C’est en particulier vrai dans la région d’El Ghrouss dans les Ziban qui, depuis les années 1980, a connu une accélération des mutations agricoles entrainant de fortes dynamiques d’expansion territoriale. Un véritable front pionnier caractérise cette région sous l’effet du développement de la production maraîchère sous serre irriguée depuis les ressources souterraines formant un « territoire de l’eau » en expansion. L’objectif de cette thèse est d’identifier et de comprendre l’ensemble des déterminants de cette néo-agriculture saharienne irriguée en transition, expliquant les déterminants de son extension territoriale et conduisant à sa pérennisation.
La thèse s’articule ainsi autour de la triple relation entre les acteurs, la ressource en eau et l’espace. Dans un premier temps, nous caractérisons les dynamiques transitoires portées par des arrangements entre différents acteurs qui mettent en commun leurs facteurs de production. Dans un second temps, nous interrogeons l’évolution des usages de l’eau souterraine en fonction des mutations observés et de l’expansion territoriale. Enfin, nous analysons les différents facteurs qui favorisent la quête de nouvelles terres à savoir, l’eau, le foncier mais aussi les infrastructures telles que les routes pour la commercialisation et le réseau électrique pour l’alimentation des forages.
Nos résultats montrent d’abord que le boom agricole est porté par deux principales logiques d’acteurs, ayants deux ambitions distinctes : celles des propriétaires visant à investir dans la phœniciculture, et celles de locataires maraîchers associés à des métayers visant une ascension socio-professionnelle. Nous montrons que les arrangements entre acteurs autour d’une agriculture transitoire sont les moteurs de l’expansion territoriale et de l’ascension socio-professionnelle des agriculteurs. Ensuite, nous montrons, à travers une construction méthodologique pour l'évaluation des prélèvements d'eau souterraine, l’importance de comprendre les pratiques et usages de l’eau pour évaluer les besoins en eau d’un territoire. L’analyse des forages a permis de rendre visible l’eau souterraine à travers la mise en réseau par l’électricité, les réseaux d’acteurs et institutionnels. Et enfin, l’analyse de l’avancée d’une « frange pionnière », concept mobilisé en lieu et place du front pionnier, a montré qu’elle résultait de l’imbrication des trois principaux axes à savoir le foncier, l’eau et les infrastructures et que chacun de ces axes conjugue à la fois l’action de l’État et l’initiative privée. Pour conclure, nous posons la question de la durabilité de cette agriculture en pleine expansion dans un contexte de ressources fragiles qui manifeste déjà des signes d'essoufflement, de faible régulation économique de la production maraîchère et de vulnérabilité sociale.
Mots clefs : Eaux souterraines, agriculture irriguée, transformation, adaptation