Résumé :
Exploitation agricole à base des eaux souterraines et des eaux des crues (©Khardi, 2020)
Le développement de l’agriculture irriguée dans les régions arides est souvent accompagné d’une exploitation intensive des eaux souterraines. Ce développement peut également être à l’origine de réallocations considérables de la ressource en eau de surface et souterraine à l’échelle du bassin versant. Cette thèse prend les innovations de mobilisation des eaux d’irrigation comme point d’entrée pour appréhender les pratiques d’adaptation au manque d’eau à l’échelle du territoire oasien Todgha-Ferkla au Sud-Est du Maroc et elle entreprend une concertation territoriale sur l’avenir de la gestion de l’eau moyennant une démarche participative. Deux innovations récemment introduites sur le territoire de Todgha-Ferkla ont été identifiées et analysées : (i) le captage des eaux de crues dans un bassin en terre pour la recharge de la nappe et l’irrigation à l’échelle de l’exploitation agricole ; (ii) l’association du système de khettara au pompage solaire dans la nappe sous-jacente dans les anciennes oasis. Des enquêtes de terrains, l’analyse d’images satellitaires, un suivi piézométrique multi-site et une modélisation analytique de la recharge ont été menés entre 2020 et 2023. En parallèle, un processus participatif impliquant un panel mixte d’acteurs a été conçu et mené afin d’établir un diagnostic factuel de la disponibilité des ressources en eau afin de coconstruire des solutions consensuelles pour une gestion durable de l’eau à l’échelle du territoire. Notre recherche a montré que l’usage conjugué des eaux de crues à l’échelle de l’exploitation agricole pour l’irrigation des palmiers dattiers et pour la recharge de la nappe permet de minimiser les pertes par évaporation. La modélisation analytique basée sur les mesures de terrain a montré que la recharge à partir du bassin de captage des crues a un effet sur la piézométrie spatialement et quantitativement très limité en raison de l’hydrogéologie de la zone. En outre, l’irrigation pourrait contribuer à la recharge de la nappe lorsqu’elle est prolongée sur plusieurs semaines grâce à l’arrivée de plusieurs crues rapprochées dans le temps. Quant à l’association du pompage par énergie solaire et du système traditionnel de la khettara, elle permet de sauvegarder l’accès et la gestion collective des eaux souterraines. Ainsi, l’organisation sociale autour de la ressource en eau souterraine est maintenue tant que la baisse accélérée des niveaux piézométriques ne ralentit pas le pompage provisoirement salvateur. L’analyse des innovations et les résultats de la concertation territoriale montrent que ce territoire est le siège d’une course à l’eau généralisée et non régulée, qui pourrait mettre en péril à terme toute forme d’agriculture, en premier lieu dans les parties les plus à l’aval du bassin versant. Les adaptations individuelles constatées apportent des améliorations locales mais restent tributaires des autres activités à l’échelle du bassin versant. La concertation territoriale révèle la nécessité de concevoir et de mettre en exergue un nouveau modèle de gouvernance de l’eau en vue d’assurer une gestion durable de ces oasis. De manière générale, la présente thèse contribue à la compréhension des pratiques d’irrigation et de leur mode de gestion dans le territoire oasien de Todgha-Ferkla et apporte des éléments de réflexion au débat national pour durabiliser la gestion de l’eau dans les oasis.
Oasis traditionnelle alimentée par la ‘Khettara’ (©Khardi, 2020)
Mots clés : oasis, extensions agricoles, irrigation, recharge de la nappe, khettara, innovations, concertation territoriale, eau au Maroc