Algues et gestion de la qualité de l’eau en canal
Les algues qui se développent dans les canaux de transport d’eau posaient un certain nombre de contraintes à la gestion du système. D’une part, les algues benthiques colonisant les berges et le fond du canal, encore appelées « épilithon », affectaient la performance hydraulique des systèmes en réduisant la débitance des canaux, accentuant l’effet des développements de macrophytes, et perturbant les débits délivrés aux prises. Lorsque ces algues se détachaient de leur substrat, elles induisaient également des risques de colmatage au niveau des usagers (filtres, compteurs d’eau). D’autre part, certaines espèces de Cyanobactéries susceptibles de secréter des toxines constituaient un enjeu pour la gestion de la qualité de l’eau, notamment pour l’usage de production d’eau potable. L’objet du projet était de définir et d’évaluer des stratégies hydrauliques pour la gestion des développements algaux dans les canaux en mobilisant les ouvrages de régulation qui caractérisaient ces systèmes. Le projet s’est attaché à identifier les interactions entre la gestion hydraulique et les développements d’algues, tant au niveau de sites réels qu’en canaux réduits, développer des modèles de simulation des processus, puis à concevoir et analyser des stratégies de régulation de ces compartiments par des méthodes hydrauliques.
Sites d'étude :
Le projet s'est appuyé sur un suivi et des experimentations sur deux sites réels, représentatifs des problématiques de la grande et de la moyenne hydraulique à finalité agricole :
- le Canal de Gignac, canal d'irrigation et plate-forme expérimentale sur la régulation des canaux (moyenne vallée de l'Hérault), alimente un périmètre irrigué de 3000 hectares environ;
le Canal de Provence
, canal composé de galeries et de portions à ciel ouvert, alimente 79000 hectares irrigués mais satisfait maintenant de nombreux autres usages (industrie, collectivités...) dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, avec des exigences de qualité élevées.
Un dispositif expérimental a été conçu dans le cadre du projet pour étudier les développements d'algues dans des conditions hydrodynamiques contrastées.
La réalisation du projet a rassemblé une équipe pluri-disciplinaire composée d'hydrauliciens et automaticiens de l'UMR G-eau, d'hydrobiologistes de l'UMR
IMEP, et des gestionnaires des deux sites. La Société du Canal de Provence exerce également une activité d'ingénierie sur la régulation des canaux, en France et à l'export
L’équipe "Gestion opérationnelle des transferts d'eau" de l’UMR G-eau mène depuis 20 ans une activité de recherche finalisée sur la modélisation et la commande en temps réel de canaux d’irrigation. Cette activité de recherche se double du développement d’un logiciel de simulation des écoulements en canaux (SIC). Ce logiciel est commercialisé internationalement, et est utilisé par la plupart des bureaux d’études français travaillant dans le domaine de l’eau. L’équipe a publié de nombreux articles scientifiques sur la modélisation et la régulation des canaux d’irrigation, et a coordonné un ouvrage collectif sur le sujet Elle effectue également une activité d’enseignement dans des écoles d’ingénieurs (Montpellier SupAgro, AgroParisTech, ENSEEIH Toulouse). L’équipe s’appuie également sur des moyens expérimentaux à la halle hydraulique de Montpellier SupAgro et le Domaine expérimental du Merle (domaine de 450 hectares, dont 150 irrigués gravitairement).
La Société du Canal de Provence : Situé dans la Région Provence- Alpes -Cote d’Azur le Canal de Provence alimente en eau 83 000 ha de terres agricoles, une centaine de villes et villages et de nombreuses industries. Il fonctionne à la demande sans tour d’eau ni priorité quelconque. Sa capacité en tête est de 40 m3/s et l'aménagement comprend 270 km d’ouvrages principaux, 5000 km de canalisations, 80 réserves et stations de pompage. Tous les ouvrages principaux sont commandés à distance par un système de commande automatique appelé « Régulation Dynamique » qui assure de manière permanente le contrôle des réglages et la mise en œuvre des sécurités. Installée il y a plus de 30 ans, la Régulation Dynamique a été régulièrement modernisée pour intégrer les progrès de la téléinformatique. Le programme en cours vise une rationalisation des méthodes utilisées pour tendre vers une approche de mise en œuvre et d’évolution plus systématique aussi bien en interne que pour des implantations pour des tiers. La SCP mène en interne et depuis de nombreuses années des travaux de recherche-développement visant à améliorer la gestion de qualité des eaux regroupant des thèmes aussi divers que la mise en place d’un réseau de mesure en continu de la qualité des eaux transportées dans les ouvrages qu’elle gère, le test et la mise en œuvre de capteurs spécifiques physico-chimiques et biologiques pour répondre à diverses exigences réglementaires, la réalisation d’études spécifiques sur divers compartiments biologiques, tels que les invertébrés, les poissons, les algues ou les végétaux aquatiques.
L’ASA de Gignac : situé sur les terrasses inférieures et moyennes de l’Hérault, en aval de Saint Guilhem du Désert, le canal de Gignac est l’ouvrage hydraulique principal de l’association Syndicale Autorisée de Gignac (ASA). Alimenté par une prise sur l’Hérault, il dessert un périmètre irrigable de 3000 ha environ depuis plus de 100 ans. Les eaux prélevées sont véhiculées par un canal primaire comprenant un tronc commun de 8 Km et deux branches principales en rive gauche et en rive droite du fleuve, sur des longueurs respectives de 27 et 15 km. Le périmètre subit actuellement une profonde mutation de ces fonctions économiques et sociales dues à l’ancienneté du canal, dont l’achèvement remonte à 1890, et à l’évolution de la structure de la demande. Le maître d’ouvrage a réagi en engageant, depuis 1990, un programme de modernisation générale actuellement en cours sur deux objectifs principaux :
(i) améliorer la déserte en eau des usagers et s’adapter à l’évolution de la demande,
(ii) réaliser des économies d’eau en minimisant les rejets. Aujourd’hui, le périmètre est représentatif des mutations et des enjeux de ces aménagements anciens.
L'équipe d’Ecologie des Eaux Continentales Méditerranéennes de l'Institut Méditerranéen d'Ecologie, Paléoécologie est spécialisée en hydrobiologie : algues, invertébrés, physico-chimie, macrophytes. Elle mène depuis de très nombreuses années des travaux de recherche sur la biologie de divers hydrosystèmes sur le pourtour méditerranéen et mène des actions de sensibilisation pour la prise en compte des compartiments biologiques dans la gestion des divers milieux aquatiques.
Dispositif expérimental Algequeau vu de l’aval
Les résultats obtenus concernent les 3 volets thématiques, sur chacun, on distingue ci-dessous les avancées scientifiques, les avancées opérationnelles et les résultats transférables à d’autres situations.
(i) la caractérisation de l’interaction entre l’écoulement et l’épilithon
L'effet structurant du courant sur les peuplements a été mis en évidence au niveu de son influence sur l'architecture des communautés et sur la biomasse via le phénomène de détachement continu. Du point de vue opérationnel, cette étude a amélioré la connaissance du fonctionnement écologique des canaux à travers ce compartiment algal. Les impacts de la gestion sur la qualité des milieux (canal et milieux récepteurs éventuellement) ont été évalués. Les protocoles de suivi de la qualité de l'eau, du compartiment algal et des variables hydrauliques pertinentes sont donc définis. Les espèces présentes dans les canaux ont donc été identifiées. Ces résultats ont donné lieu à la création de fiches techniques permettant leur identifiacation sur d'autres systèmes semblables.
Le phénomène de dérive des courbes de tarage a donc été suivi et quantifié sur le canal de Gignac notamment. L'étude des champs de vitesse au niveau des ouvrages ont permis de caractériser l'effet de vannes sur le cisaillement et le piégeage conséquent de matériaux détachés en dérive. Au niveau du canal, ces mesures ont mis en évidence l'effet de la végétation fixée sur les rugosités.
Dérive de courbes de tarage, Canal de Gignac
(ii) la modélisation des processus en jeu
Un modèle de croissance du périphyton a été dévelopé. A l'échelle du canal, le projet a permis de mettre au point un modèle couplé des phénomènes hydrauliques, de détachement et de transport d'algues en dérive.
Le modèle de fonctionnement des deux canaux est maintenant disponible pour les gestionnaires. Ces modèles sont maitnenant intégrés dans un outil de simulation générique : SIC, à base physique, et transférable à d'autres systèmes.
Principes de modélisation du transport algal
(iii) les stratégies de gestion.
Des méthodes pour le contrôle de la turbidité lors des chasses ont donc été élaborées pour la conception de chasses et pour leur contrôle en temps réel. Celles-ci ont notamment été appliquée à la gestion des eaux turbides lors des chasses hydrauliques.
On applique ainsi les concepts de l'automatique à la régulation d'une variable de qualité, sur la base de fonctions de transfert établies à partir de la modélisation 1D de la dynamique algale.
Les effets des chasses hydrauliques sur la structuration de la biomasse algale ont permis de définir une stratégie de limitation de ces développements algaux. Mises en place sur les deux sites d'études, leur application à d'autres systèmes est actuellement en cours d'étude. La gestion globale dur canal s'en trouve aussi améliorée (enregistrement des appels, suivis d'intervention des gardes...).
La connaissance des effet de la végétation sur le frottement a aussi été améliorée.
Evolution de la biomasse, Branche de Marseille Nord
Enregistrer