Le Canal 900 (Békaa-Ouest) construit par l'état pour distribuer l'eau du lac Karaoun n'est plus opérationnel à cause de la pollution du lac. Il est aujourd'hui utilisé comme réservoir par les agriculteurs qui y amènent l'eau de leurs forages privés - © M.H. Nassif
Dans les années 60, le Liban s'enthousiasme pour la 'mission hydraulique' qui anime alors le monde et planifie une mise en valeur à grande échelle des ressources en eau du bassin du Litani, le plus grand bassin hydrographique du pays. Les vicissitudes de la guerre civile et les contraintes financières limiteront, pendant un demi-siècle et jusqu'à nos jours, la réalisation de ce rêve. Mais si la construction étatique de barrages et de systèmes d'irrigation publics est restée limitée, les ressources en eau du bassin, et plus particulièrement de la plaine centrale de la Bekaa, ont été activement mises en valeur par des initiatives individuelles ou collectives locales.
Cette thèse pose la question de la gouvernance de l'eau dans le bassin du Litani, et plus généralement au Liban. Elle examine la gouvernance "en acte", c'est-à-dire comment la distribution du pouvoir discursif, décisionnel, et politique entre les différentes parties prenantes concernées par cette ressource explique à la fois l'action, ou l'inaction, de l'administration et les dynamiques locales. Elle chronique la territorialisation de l'action publique à trois échelles emboîtées: celle du bassin, où la mobilisation et la matérialisation du 'mythe du Litani' sont sans cesse contestées et renégociées ; celle du périmètre d'irrigation public du Canal 900, où l'optimisme technologique de la bureaucratie se confrontera à la complexité des territoires locaux ; et celle de la région de Terbol où seront mises en évidence les dynamiques locales de la (sur)exploitation des ressources en eau, à la fois superficielles et souterraines, ainsi que la collision entre ces dynamiques et la planification régionale des services d'eau potable par le gouvernement.
La gouvernance de l’eau dans le bassin du Litani apparait comme pauvre en ressources, fragmentée, sans mécanismes de coordination, avec des arbitrages opérés au niveau des familles politiques/confessionnelles qui se partagent le pouvoir au Liban. Une situation qui entérine une gouvernance dés-intégrée de l’eau, qui va souvent à l'encontre d'une rationalité économique ou hydrologique, ou de la durabilité environnementale.
L'un des trois "Chawa" (Gardes-canal) du système d'irrigation communautaire de Qabb-ELias (Békaa centrale). Ce système séculaire, alimenté par la source karstique de Ras-El-Aïn, est encore aujourd'hui géré par la communauté de cet ancien village de la Békaa. Cependant, la source de Qabb Elias devient de moins en moins abondante, ce qui pousse la communauté à s'orienter vers l'usage de l'eau souterraine comme complément. © M.H. Nassif
Cette thèse préparée au sein de l’école doctorale Territoires, Temps, Sociétés et Développement et de l’unité de recherche UMR – G-Eau : Gestion de l’eau, Acteurs, Usages (Spécialité : Géographie et Aménagement de l’Espace) a été soutenue le mardi 10 Décembre 2019 à 14h30 dans la salle des actes du site de Saint Charles 1 de l’Université Paul Valery devant le jury composé de :
- Pierre Blanc, professeur à Sciences Po Bordeaux et Bordeaux Sciences Agro, politologue, rapporteur
- Eric Verdeil, Professeur des université à Sciences Po Paris, Géographe, rapporteur
- Ronald Jaubert, Professeur Emérite, Economiste, Graduate Institute of International and Development Studies, Genève; et Université de Lausanne, Suisse, président du jury
- Marielle Montginoul, Economiste, Directrice de Recherche, IRSTEA, UMR G-Eau, Montpellier, examinatrice
- Caroline Lejars, Economiste, Chercheuse au Cirad, UMR G-Eau, Montpellier, examinatrice
- Stéphane Ghiotti, Géographe, Chargé de Recherche HDR, CNRS, UMR ART Dev 5281 Montpellier, examinateur
- François Molle, Directeur de Recherche, IRD, UMR G-Eau, Montpellier, directeur de thèse