fleuve senegal1 © D. martin, IRD : Parc naturel en bordure du Fleuve Sénégal

Engager une démarche sociohydrologique pour produire des savoirs « alternatifs » sur les eaux du fleuve Sénégal

Savoir c’est pouvoir. Changer les modes d’actions sur l’eau implique de modifier la manière de produire et de diffuser des savoirs sur l’eau, véritable enjeu pour un autre développement autour des questions d’accès à l’eau et de préservation des ressources. « Oser » ce renouvellement, c’est la raison d’être de l’équipe-projet SocioHydr’OSé. Pour cela, deux axes de dialogue sont au cœur de notre programme : le dialogue interdisciplinaire entre sciences de la société (Socio) et sciences de l’eau (Hydro) ; le dialogue entre acteurs de l’eau (scientifiques, sociétés locales, autorités).

Une des contraintes importantes pour la mise en œuvre d’une gestion des nappes est l’accès à l’information sur la ressource et ses usages, et la circulation de cette information. Le projet eGroundwater se propose de tester des méthodes pour appuyer une gestion participative et durable des eaux souterraines grâce à des systèmes d’information innovants.

1 Canal 900 nassifLe Canal 900 (Békaa-Ouest) construit par l'état pour distribuer l'eau du lac Karaoun n'est plus opérationnel à cause de la pollution du lac. Il est aujourd'hui utilisé comme réservoir par les agriculteurs qui y amènent l'eau de leurs forages privés - © M.H. Nassif

 

Dans les années 60, le Liban s'enthousiasme pour la 'mission hydraulique' qui anime alors le monde et planifie une mise en valeur à grande échelle des ressources en eau du bassin du Litani, le plus grand bassin hydrographique du pays. Les vicissitudes de la guerre civile et les contraintes financières limiteront, pendant un demi-siècle et jusqu'à nos jours, la réalisation de ce rêve. Mais si la construction étatique de barrages et de systèmes d'irrigation publics est restée limitée, les ressources en eau du bassin, et plus particulièrement de la plaine centrale de la Bekaa, ont été activement mises en valeur par des initiatives individuelles ou collectives locales.

Cette thèse pose la question de la gouvernance de l'eau dans le bassin du Litani, et plus généralement au Liban. Elle examine la gouvernance "en acte", c'est-à-dire comment la distribution du pouvoir discursif, décisionnel, et politique entre les différentes parties prenantes concernées par cette ressource explique à la fois l'action, ou l'inaction, de l'administration et les dynamiques locales. Elle chronique la territorialisation de l'action publique à trois échelles emboîtées: celle du bassin, où la mobilisation et la matérialisation du 'mythe du Litani' sont sans cesse contestées et renégociées ; celle du périmètre d'irrigation public du Canal 900, où l'optimisme technologique de la bureaucratie se confrontera à la complexité des territoires locaux ; et celle de la région de Terbol où seront mises en évidence les dynamiques locales de la (sur)exploitation des ressources en eau, à la fois superficielles et souterraines, ainsi que la collision entre ces dynamiques et la planification régionale des services d'eau potable par le gouvernement.

La gouvernance de l’eau dans le bassin du Litani apparait comme pauvre en ressources, fragmentée, sans mécanismes de coordination, avec des arbitrages opérés au niveau des familles politiques/confessionnelles qui se partagent le pouvoir au Liban. Une situation qui entérine une gouvernance dés-intégrée de l’eau, qui va souvent à l'encontre d'une rationalité économique ou hydrologique, ou de la durabilité environnementale.

 

2 Garde Canal de Qabb Elias nassifL'un des trois "Chawa" (Gardes-canal) du système d'irrigation communautaire de Qabb-ELias (Békaa centrale). Ce système séculaire, alimenté par la source karstique de Ras-El-Aïn, est encore aujourd'hui géré par la communauté de cet ancien village de la Békaa. Cependant, la source de Qabb Elias devient de moins en moins abondante, ce qui pousse la communauté à s'orienter vers l'usage de l'eau souterraine comme complément. © M.H. Nassif

 

Cette thèse préparée au sein de l’école doctorale Territoires, Temps, Sociétés et Développement et de l’unité de recherche UMR – G-Eau : Gestion de l’eau, Acteurs, Usages (Spécialité : Géographie et Aménagement de l’Espace) a été soutenue le mardi 10 Décembre 2019 à 14h30 dans la salle des actes du site de Saint Charles 1 de l’Université Paul Valery devant le jury composé de :

  • Pierre Blanc, professeur à Sciences Po Bordeaux et Bordeaux Sciences Agro, politologue, rapporteur
  • Eric Verdeil, Professeur des université à Sciences Po Paris, Géographe, rapporteur
  • Ronald Jaubert, Professeur Emérite, Economiste, Graduate Institute of International and Development Studies, Genève; et Université de Lausanne, Suisse, président du jury
  • Marielle Montginoul, Economiste, Directrice de Recherche, IRSTEA, UMR G-Eau, Montpellier, examinatrice
  • Caroline Lejars, Economiste, Chercheuse au Cirad, UMR G-Eau, Montpellier, examinatrice
  • Stéphane Ghiotti, Géographe, Chargé de Recherche HDR, CNRS, UMR ART Dev 5281 Montpellier, examinateur
  • François Molle, Directeur de Recherche, IRD, UMR G-Eau, Montpellier, directeur de thèse

Dans les périmètres irrigués, la rigidité des cadres juridiques et des règles formelles de gestion du foncier pèsent considérablement sur les agriculteurs, aussi bien pour les terres privées que pour les terres domaniales. Ils sont en partie contournés et les pratiques d’accès aux terres s’effectuent via des contrats fonciers qui peuvent poser des problèmes de durabilité. Dans nos recherches sur le périmètre de Gaâfour (Nord-Ouest, Tunisie), nous nous sommes intéressés à l’impact des structures foncières sur le fonctionnement des exploitations et à la place du faire-valoir indirect dans les stratégies des agriculteurs, ainsi qu’aux conséquences sur leur situation, et sur la durabilité du périmètre. Pour conduire ces travaux, des entretiens exploratoires et des enquêtes détaillées ont été menés auprès des agents institutionnels et de différents types d’exploitants. Nos résultats, montrent que, face aux contraintes, foncières, techniques et financières, une majorité d’exploitants ont recours au faire-valoir indirect. Ainsi, nous notons des dynamiques foncières importantes et une diversité des contrats fonciers (contrats de location de longue durée, contrats de location pour une campagne, contrats de métayage), qui mettent en relation des acteurs tout aussi divers (propriétaires, attributaires de l’État, locataires, métayers). Ceci est la marque d’un système foncier en évolution, à la recherche de formules adaptées aux différents rapports de force et aux différentes contraintes foncières (petitesse des superficies, manque de terres, morcellement, augmentation des prix fonciers) et financières (absence d’accès aux crédits bancaires).Le recours au faire-valoir indirect, même via des contrats informels, permet d’assurer la continuité de la production sur les terres irriguées par des exploitants qui ont les capacités financières et le savoir-faire pour pallier l’absence de l’État. Le faire-valoir indirect permet ainsi le passage des terres de propriétaires ou d’attributaires qui ont peu d’aptitudes pour l’agriculture, et ont une productivité faible, vers des exploitants plus performants. Bien que le faire-valoir indirect ait pris une place importante, son développement dans un cadre informel génère des effets négatifs sur la durabilité du périmètre. Il conduit, ainsi, à des performances environnementales faibles et des externalités négatives (dégradation du sol, surexploitation des ressources). Ces pratiques de faire-valoir indirect conduisent, d’autre part, à une concentration foncière au profit des exploitants qui possèdent le plus de moyens financiers et à une diminution de l’équité sociale. L’exploitation des terres, par des contrats informels et sans sécurité foncière, menace aussi la transmission des exploitations. Le faire-valoir indirect devrait être mieux pris en compte par l’État qui pourrait inciter les propriétaires qui sont dans l’incapacité d’exploiter leurs terres, à les céder en location avec des contrats de longue durée. Ces contrats devraient donner une sécurisation foncière suffisante aux locataires et surtout offrir des droits équivalents à un titre foncier en matière d’accès aux crédits bancaires. Des mesures à l’amont en termes d’accompagnement technique, et à l’aval de la production, au niveau des circuits de commercialisation, sont aussi nécessaires.

 

Mots-clés : périmètre irrigué, foncier, faire-valoir indirect, contrats, terres domaniales, terres privées, développement agricole, durabilité.

 

 

 
 Photos : Culture de piments, Gaâfour, Tunisie ©Inès Gharbi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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